Enquête nationale relative à la gestion
du trait de côte depuis 2018
Commune d’Ault
Rapport de la chambre régionale des comptes (Septembre 2023)
(Autre lien PDF)
Rapport présenté au conseil municipal le 30 novembre 2023
Analyse du rapport de 48 pages par Ault Environnement
Le rapport définitif est téléchargeable sur le site internet de la Chambre régionale des comptes des Hauts de France. Ault Environnement en a extrait des informations et des citations en les classant ainsi : principales observations et recommandations, histoire et perspectives du repli stratégique, les actions prévues à Ault. Ault Environnement a ajouté quelques commentaires.
Principales observations et recommandations de la chambre régionale des comptes
Au niveau local
. Le suivi triennal du trait de côte prévu par le Plan de Prévention des Risques des falaises picardes de 2015 n’est pas mis en œuvre (page 11 du rapport ou page 13 du document pdf).
. Le document d’information sur les risques majeurs (DICRIM) de la commune de 2005 n’est pas annexé au Plan Communal de Sauvegarde (PCS) adopté le 1° septembre 2021 et n’est pas disponible sur le site internet de la commune (page 12). Le PCS ne comprend pas de mesures spécifiques face au risque falaise (page22). Aucune action d’information de communication sur le risque littoral n’a eu lieu pour se conformer à l’article L.125-2 du code de l’environnement (page 12). Les prescriptions face aux risques de chutes de pierres sont régulièrement ignorées (page 21).
. La prise de la compétence GEMAPI (GEstion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations) par la Communauté de Communes des Villes Sœurs (CCVS) en 2018, conformément à la loi, n’a pas conduit à la définition des ouvrages mis à disposition de la CCVS par la commune. Une convention tripartite a été passée en 2020 entre la commune, la CCVS et le Syndicat Mixte Baie de Somme Grand Littoral Picard (SMBS-GLP) à qui la CCVS a délégué sa compétence « défense contre la mer ». Elle distingue les ouvrages de protection contre la mer dont le coût est pris en charge par la CCVS au titre de la compétence GEMAPI, des ouvrages à proximité du littoral qui ne servent pas directement la stratégie de défense contre la mer, mais qui sont susceptibles d’être impactés par cette dernière et dont l’entretien et les grosses réparations incombent à la commune (dont la casquette et le mur de soutènement du casino) (page 15). Il n’y a pas de procès-verbal décrivant les ouvrages mis à disposition et leur état. « Une clarification des compétences paraît nécessaire. »
. La CCVS a fait le choix de financer les travaux de GEMAPI par la taxe GEMAPI fixée à 19,2 € par habitant de la CCVS (elle rapporte 750 000 €). La CCVS y ajoute un prélèvement de 660 000 €, à la charge des communes littorales, sur les attributions de compensation versées par la CCVS à ses communes membres, ce qui représente une contribution de 132 665 € de la commune d’Ault (page 16).
De 2011 à 2017, la commune a dépensé en moyenne 103 000 € par an pour la réparation des ouvrages (page 33).
De 2018 à 2022, la CCVS a dépensé en moyenne 140 000 € par an (page 34).
. La situation financière de la commune est saine. Sa capacité de désendettement est de 3,3 années de capacité d’autofinancement (page 31).
. Des travaux de sécurisation du mur parabolique et de certains épis sont inscrits depuis 2021 au budget du SMBS-GLP mais pas engagés (page 34).
. L’Autorisation d’Occupation Temporaire (AOT) du domaine public maritime attribuée par l’Etat au SMBS-GLP restreint fortement les interventions (« aucun confortement de l’ouvrage n’est autorisé »). Seuls les travaux de « sécurisation » sont possibles, sans être clairement définis, et restent par ailleurs soumis à l’accord préalable de l’Etat (page 33).
. Ni la commune ni la CCVS n’envisagent de mettre en œuvre la disposition de la loi Climat et Résilience qui prévoit l’établissement d’un échéancier de réorganisation du territoire et la définition d’emplacements réservés à la relocalisation (page 20).
. Le Plan Local d’Urbanisme intercommunal devrait reprendre le zonage du PPR et introduire un zonage du risque à 30 ans prévu par la loi Climat et Résilience (page 20). La mise à jour du PPR permettrait de prendre en compte la présence des ouvrages de protection dans les calculs de projection du recul du trait de côte (page 12) et de définir la zone de risque à 30 ans (page 11).
Au niveau national (l’annexe 2 du rapport résume le cadre règlementaire)
. Il y a une incertitude règlementaire sur l’intégration ou non de la défense contre la mer dans la GEMAPI (page 14).
. Il n’y a pas de financement dédié, de dispositif de solidarité nationale pour la prévention et les conséquences du recul du trait de côte. Le fonds Barnier n’est pas mobilisable, sauf pour l’aléa mouvement de terrain (page 14). Il faut harmoniser, au niveau de l’Etat, l’utilisation du fonds Barnier entre la Somme (pas possible pour l’érosion côtière) et la Seine Maritime (utilisation à Criel sur Mer pour l’achat et la démolition de maisons menacées par l’éboulement de la falaise) (page 38).
. La loi Climat et Résilience d’août 2021 ne mentionne pas les ouvrages de défense contre la mer (page 38).
Repli stratégique : histoire, perspectives (analyse faite par la chambre régionale des comptes)
« L’échec du projet de recul stratégique » (pages 24-25)
« En 2011, …, le SMBS-GLP et la commune ont missionné des bureaux d’études afin de disposer de données actualisées et d’enrichir leur réflexion … « étude stratégique du développement communal et de gestion durable de la frange littorale » (étude Interland). Deux scénarii y sont proposés… : un scénario « balnéaire », poursuivant la stratégie de protection renforcée du trait de côte, et un scénario « belvédère », abandonnant la défense du littoral, au profit de la relocalisation des enjeux du front de mer vers l’intérieur des terres, via notamment la réalisation d’un nouveau quartier sur la ZAC du Moulinet. Le premier scénario, reportant « le poids technique et financier de l’acceptation de l’érosion côtière sur les générations futures » est abandonné, au profit du second. »
« En parallèle, le syndicat mixte a appuyé la candidature de la commune dans le cadre de l’appel à projets « Relocalisation des activités et des biens : recomposition spatiale des territoires menacés par les risques littoraux » dit également « appel à projet Cousin », lancé en 2012. Cette expérimentation visait à initier des démarches innovantes portées par des collectivités pour développer leur dynamisme, en tenant compte du recul de leur littoral, dans le contexte de l’après-tempête Xynthia de février 2010. La commune d’Ault a été retenue, ainsi que quatre autres sites. Aucune délibération n’a été prise par la commune pour acter sa candidature à cet appel à projet … L’expropriation des propriétaires fonciers, et ainsi l’abandon du littoral à la mer, aurait permis la « création d’un nouvel espace public mouvant en belvédère de la Manche, organisé sur la falaise libérée, … dont la nature même est de reculer avec la falaise… ». En parallèle, les ouvrages de défense contre la mer devaient être entretenus a minima « le temps d’organiser le repli » puis déconstruits. »
« Alors que, fin 2012, le jury de l’appel à projet estimait que « la population d’Ault semble aujourd’hui en mesure d’accepter le projet », ce dernier a, au contraire provoqué de vives réactions d’hostilité des habitants. La municipalité de l’époque dit s’être désolidarisée du projet pour suivre la position de ses administrés, la réflexion portant, selon elle, sur le long terme, mais pas sur une échéance courte comme cela fut présenté. L’expérimentation était prévue pour une durée de deux ans. Si un bilan en a été réalisé au niveau national, ni la commune ni le syndicat mixte n’en ont été destinataires. Les messages communiqués à la population se sont parfois montrés contradictoires, jusque 2016, engendrant incompréhension et inquiétude au sein de la population, ce qui a probablement concouru à la diminution du nombre d’habitants, constatée à l’époque. Des ambigüités semblent encore subsister. »
« En septembre 2016, le programme d’actions de la stratégie littorale Bresle-Somme-Authie (BSA) ne mentionne pas le projet de « ville belvédère », et ne comprend aucune mesure en lien avec la libération du front de mer. Le projet de ZAC du Moulinet ne figure pas dans le volet « Falaises » de la stratégie littorale mais était toutefois mentionné en 2016, comme action de développement territorial à long terme. »
Page 32 « Dans la stratégie littorale BSA, le traitement réservé aux ouvrages de protection présents sur le territoire d’Ault, et qui se retrouvent dans d’autres communes, à l’exception de la casquette, semble constituer une exception, le phénomène d’érosion étant pourtant constaté sur de nombreuses zones du littoral picard. Les documents de présentation de la stratégie littorale BSA opèrent une distinction entre l’« érosion » à Ault, et la « tendance érosive » ailleurs. »
La carte n°2 « va plus loin, en mentionnant, pour les ouvrages de la partie urbanisée de la commune d’Ault : « entretien minimal pour éviter la ruine, le temps d’organiser le repli », et même, pour le Bois de Cise : « Abandon. Déconstruction des épis ». L’hypothèse d’un abandon des ouvrages de défense aultois a été confirmée par le SMBS-GLP, mais n’est désormais plus évoquée. Cette option supposerait leur déconstruction, comme cela avait été envisagé à l’époque de l’étude Interland, dans le contexte post tempête Xynthia, pour un coût estimé de 17 millions d’euros pour la seule digue 83.
En cela la stratégie littorale BSA répond aux prescriptions de l’autorisation d’occupation temporaire accordée par les services de l’Etat, interdisant le renforcement des ouvrages. Elle ne semble toutefois pas répondre aux inquiétudes des habitants, qui acceptent difficilement l’abandon des ouvrages de défense, perçu comme une expérimentation du repli. Cette absence assumée des ouvrages au sein de la stratégie ne semble pas avoir été concertée avec les habitants de la commune alors qu’elle semble inéluctable. »
Page 36 « La question de la relocalisation des emprises sises sur le front de mer n’a plus été abordée dans les discussions, depuis l’annulation tacite du projet de « ville-belvédère ». Le manque d’outils juridiques et financiers pour mener à bien ce projet a été l’un des principaux freins à sa mise en œuvre, et le défaut d’acceptabilité par la population locale a conduit à l’entériner. Face à un aléa inévitable, le sujet du repli stratégique pourrait émerger de nouveau. »
La convention relative à la stratégie littorale a été prolongée jusqu’en 2024. « Des discussions débutent sur la suite à lui donner. Parmi les grandes lignes qui se dégagent des premiers échanges, le souhait de protéger le front de mer et de mettre les ouvrages de défense au cœur de la prochaine stratégie locale est formulé par des acteurs, en particulier le maire. Une réflexion semble nécessaire, ne serait-ce que s’agissant de la « casquette ». Son état semble se dégrader, sans qu’aucune évaluation n’ait été faite des besoins en entretien ni leur coût. Au-delà, une telle réflexion pourrait être initiée, s’agissant des ouvrages de protection du pied de falaises. »
« …, le maire indique considérer que la prolongation de la « digue 83 », sur une longueur de 110 mètres, viendrait protéger les travaux de plusieurs millions d’euros réalisés récemment sur le centre-bourg et le front de mer, garantissant « la bonne utilisation des deniers publics ».
« Toutefois, la prise en compte des ouvrages de protection, dans la prochaine phase, et la question de leur renforcement, nécessitera de lever les freins déjà identifiables, sur les plans administratif et financier. D’une part, les orientations nationales privilégient les méthodes douces d’accompagnement de la nature, face aux solutions dures, sans toutefois les exclure a priori. D’autre part, la question du financement de tels projets pourrait poser problème. Aucune analyse coûts/bénéfices n’a été réalisée, à ce jour. Ce coût serait probablement élevé, au regard de ceux supportés dans les années 1980. En réponse aux observations de la chambre, le maire fait part de son souhait qu’une telle analyse puisse être réalisée dans le cas d’une prolongation de la digue en enrochement, afin d’en mesurer la faisabilité. La définition d’un plan de financement, sur ce type de solutions dures, ne sera pas simple, alors que l’agence de l’eau Artois-Picardie et l’Union Européenne ont d’ores et déjà acté leur retrait de ce type d’opérations, à l’avenir. »
« La question d’une nouvelle stratégie de recul » (page 37)
« A Ault, la question du vocabulaire, et des nuances que celui sous-tend, semble importante, tant elle induit une échelle de temps différenciée. Le terme de « relocalisation » employé, notamment à l’époque de l’étude Interland et de l’appel à projet Cousin, a été remplacé par celui de « redéploiement ». Cette optique vise davantage la résilience du territoire, à court et moyen terme, tout en créant, dans le même temps, une « dynamique anticipée » pour le long terme (horizon 20 à 30 ans), passant par la localisation de nouveaux espaces de développement, hors zone de risque… La ZAC du Moulinet, dont l’aménagement pourrait démarrer d’ici la fin 2024, participe de cette nouvelle dynamique.
Quoi qu’il en soit, ce futur projet d’aménagement ne pourra suffire et n’apporte pas, en l’état, de réponse à la survenance des risques les plus probables, à une échéance plus courte. Les quartiers du Bel Air et du Bois de Cise, qui surplombent une falaise vive, sans aucune protection, devront probablement faire l’objet d’une stratégie à plus court terme. Les acteurs semblent convenir que le recul du trait de côte, sur ces deux secteurs, est inéluctable, sans en connaître précisément l’échéance.
En cela, l’étude prévue via l’action « Evolution des valleuses en secteur urbain », non réalisée à ce jour, pourrait constituer un trait d’union. Celle-ci est toutefois limitée au seul secteur du casino, et devra être étendue. Le dispositif de projet partenarial d’aménagement (PPA) est parfois évoqué comme un vecteur possible d’une nouvelle démarche. En tout état de cause, une « évaluation des impacts de la relocalisation de certains biens » est attendue par l’Etat, dans le cadre des travaux préparatoires à l’élaboration de la future stratégie littorale. »
« L’actualité récente (l’éboulement de mars 2023) pourrait jouer un rôle d’accélérateur, en matière de réflexion sur la notion de repli ou de redéploiement… Le BRGM considère que le scénario d’une chute du blockhaus, entraînant un pan de la rue, n’est pas jugé le plus probable, cette chute pouvant survenir à une échéance de dix ans.
Plusieurs pistes d’actions sont envisagées, avec pour objectif la résilience du quartier (redéploiement des réseaux eau et assainissement, création d’une nouvelle voie d’accès pour éviter l’enclavement des habitations en bord de falaise). Les travaux sur les réseaux sont estimés à 3 millions d’euros et nécessiteront l’acquisition de parcelles agricoles. Une réflexion portant sur une éventuelle réponse à plus long terme va être engagée. Il s’agirait alors de réfléchir à une solution de relogement des propriétaires concernés. La ZAC du Moulinet, dont le projet n’a pas encore débuté, pourrait faire partie des options (page 38).
En parallèle, le SMBS-GLP s’est porté volontaire, en 2022, dans le cadre de l’appel à partenaires lancé par le CEREMA et l’association nationale des élus du littoral (« traiter la résilience du territoire aux risques littoraux dans une approche pragmatique et prospective pour mieux anticiper les mutations à venir »). Son objectif est notamment l’expérimentation de montages techniques et financiers adaptés aux problématiques rencontrées sur le littoral, selon les typologies d’enjeux. Après une première phase de diagnostic du territoire, l’hôtel Le Cise, à Ault, est envisagé comme possible site pilote, dans le cadre d’une expérimentation portant sur la « soustraction d’enjeux aux conséquences potentielles des aléas ». Le terme de « relocalisation » est de nouveau employé, concernant ici spécifiquement une activité économique (page 38). »
Les actions prévues à Ault dans le cadre de la stratégie littorale (convention PAPI)
« Réduction de la vulnérabilité » (page 25-26)
« F-1A imperméabilisation du centre-bourg (5 450 000 € hors taxe) » (note d’Ault Environnement : c’est l’élément de langage choisi pour l’embellissement du centre-bourg mené de 2020 à 2023)
« F-1B Réalisation de deux ouvrages de rétention des eaux pluviales (600 000 € HT) … Elle sera remplacée par une solution fondée sur la nature, soutenue par l’agence de l’eau Artois-Picardie, sous forme de prairie inondable. Le montant de ce nouveau projet sera revu à la baisse (moins 400 000 €). »
« F-1C Accompagnement pour la mise en place de systèmes d’assainissement non collectifs imperméables au Bois de Cise (120 000 € HT) … Il a été abandonné, à la suite de la phase d’étude. Les estimations évaluaient ces travaux à 2 700 000 €. »
« Résilience et adaptation » (page 26)
« F-2A Pérennisation de l’accès au service d’assainissement (1 230 000 € HT)
« F-2B Pérennisation de l’accès au service d’eau potable (70 000 € HT)
« La relocalisation et le bouclage des réseaux existants devraient permettre aux secteurs du front de mer de continuer à disposer de réseaux opérationnels et pérennes, quand viendra un éventuel éboulement dans ces secteurs, qui emportera une partie du réseau. »
« F-2C Évolution des valleuses en secteur urbain, étude géotechnique et de programmation pour définir le niveau d’intervention le plus favorable sur l’esplanade du casino, 120 000 €. »
« F-2D, Etude exploratoire des montages financiers et juridiques à mettre en œuvre pour une alternative au fonds Barnier (200 000 €) … et pour le démarrage d’une préprogrammation de développement urbain sur les prochaines décennies. »
« Les deux études prévues n’ont pas été lancées. Le SMBS-GLP indique vouloir engager au minimum celle portant sur le secteur du casino, d’ici 2024 (page 28). » Un « marché d’instrumentation du mur de soutènement récemment (a été) confié à un bureau d’études géotechniques »(page 10)
Dans la convention initiale, Ault est la commune dont la participation directe est la plus élevée (1 180 000 € soit 28% de la participation de l’ensemble des 31 communes).
Avec l’avenant à la convention, les autres communes sont substituées par les intercommunalités (page 18).